Le mariage : Le « sacramentum » ou le don de Dieu à son Peuple

Historique de la théologie du mariage

1) Premiers siècles : des références bibliques

Les premiers textes de base de toute théologie du mariage sont évidemment les sources bibliques. Nous pourrions retenir quelques exemples :

  • les récits de la Genèse (Gn 1 et 2) sur l’amour humain,
  • les trois premiers chapitres d’Osée qui font le parallèle entre l’amour de l’homme et de la femme et l’amour de Dieu pour son peuple (« L’Eternel me dit : Va encore, et aime une femme … ; aime-la comme l’Eternel aime les enfants d’Israël, … », Os 3 ;1)
  • tout comme en Jean 3 ;29 où le Christ est désigné comme l’Epoux. (« Celui à qui appartient l’épouse, c’est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui se tient là et qui l’entend, éprouve une grande joie à cause de la voix de l’époux : aussi cette joie, qui est la mienne, est parfaite. »)
  • Le mariage est explicitement abordé en Mathieu 19, 3-12 (ou Marc 10 ; 2-12) ( « …C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair ? Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint…C’est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n’en était pas ainsi ».)(Mt 19 ;5-8)
  • et en 1 Corinthien 7 ; 10-11. ( « A ceux qui sont mariés, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari si elle est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari, et que le mari ne répudie point sa femme. »)

2) IV-Vème Siècle : St Augustin

Augustin écrit plusieurs livres qui concernent le mariage : De continentia (395), De bono coniugali (401), De nuptiis et concupiscentia (418). Le bien (au singulier !) par excellence du mariage est l’union conjugale dont découlent « les biens » du mariage qui sont tous intégrés dans ce bien unique. Cette bonté originelle de l’union de l’homme et de la femme est enracinée dans la « société naturelle » .

Les trois « biens » du mariage sont « propter quae nuptiae bonae sunt : proles, fides, sacramentum »

  • Le premier bien est l’enfant : « Il faut les accueillir avec tendresse, les nourrir humainement, les élever religieusement » . Il ne s’agit donc pas d’une approche nataliste mais bien de les recevoir dans l’amour et veiller à leur éducation.
  • Le second bien est l’union, la fidélité : Il s’agit d’une donation mutuelle, propre aux conjoints et donc exclusive. Cette foi promise est absolue contrairement au bien de la procréation qui est implicite car incluse dans cette donation réciproque.
  • Le troisième bien est le « sacramentum : Si les biens de la progéniture et de la fidélité appartiennent au mariage de tous les temps, ce bien du sacrement est propre et particulier au mariage de ceux qui appartiennent au peuple de Dieu. L’indissolubilité du Mariage est un mystère surnaturel qui vient du Christ.

3) La scolastique médiévale – St Thomas d’Aquin – Concile de Florence (1439)

Pour Hugues de Saint-Victor(1096 ?-1141) dans ‘De Sacramentis christianae fidei’, le mariage n’est plus vu en priorité comme un contrat mais comme une communauté de vie et d’amour. Les biens définit par Augustin sont vu comme une sacramentalité à trois niveaux : une sacramentalité de la loi naturelle qui découle du récit de la genèse (engagement libre, décisif et réciproque), une sacramentalité mosaïque qui découle de la loi (fidélité à la parole donnée, fidélité du cœur) et finalement une sacramentalité évangélique où le Christ ouvre le mariage à une nouvelle dimension en relation au mystère pascal (engagement total et accueil en unité avec le Christ).

Thomas d’Aquin (1225 ?-1274), à la suite de Hugues de Saint-Victor et saint Bonaventure , voit dans ces ‘biens’ des ‘fins’ qu’il classe en fins essentielles primaires – la procréation et l’éducation des enfants-, et secondaires – l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence (cf 1Co 7 ;9 « Mais s’ils manquent de continence, qu’ils se marient ; car il vaut mieux se marier que de brûler. »)- et en fins accidentelles en nombre indéfini.

C’est le Concile de Florence qui présente clairement le mariage comme le 7ème sacrement. (décret aux arméniens – 1439) : « Le septième des sacrements est le sacrement du mariage qui est le signe de l’union du Christ et de l’Eglise … La cause efficiente du mariage est régulièrement le consentement mutuel exprimé de vive voix par des paroles. On assigne un triple bien au mariage. Le premier est d’avoir des enfants et de les élever en vue du culte de Dieu. Le deuxième est la fidélité que chacun des époux doit garder envers l’autre. Le troisième est l’indivisibilité du mariage, pour la raison qu’il signifie l’union indivisible du Christ et de l’Eglise »

4) Période moderne pré-concilaire

C’est toujours la vision classique de thomas d’Aquin qui prévaut en ce début du 20ème siècle comme le montrent ces extraits : Code de Droit Canonique de 1917 : Canon. 1013

§ 1 La fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence.

§ 2 Les propriétés essentielles du mariage sont l’unité et l’indissolubilité, qui obtiennent une fermeté particulière dans le mariage chrétien à cause du sacrement.

Dans l’Encyclique « Casti Connubii » de 1930, PIE XI, en réponse aux thèses des modernistes reprend les ‘biens’ du mariage d’Augustin et les fins proposées par thomas d’Aquin. « Il y a, en effet, tant dans le mariage lui-même que dans l’usage du droit matrimonial, des fins secondaires – comme le sont l’aide mutuelle, l’amour réciproque à entretenir, et le remède à la concupiscence – qu’il n’est pas du tout interdit aux époux d’avoir en vue, pourvu que la nature intrinsèque de cet acte soit sauvegardée, et, sauvegardée du même coup sa subordination à la fin première »

Néanmoins de nombreux signes de contestations se font entendre dans cette période contre la théologie des finalités du mariage et pour trouver la place de l’amour et pour reconnaître la grâce propre des époux et leur mission dans l’Eglise.

5) Vatican II et période post-concilaire

  • Le concile, avec ‘Gaudium et spes’ et ‘Lumen Gentium’ se démarque de la hiérarchisation des fins du mariage proposée par la scolastique pour insister sur son unité. Le mariage prend une connotation moins juridique pour introduire la notion d’amour réciproque et de communauté de vie.

« Par la vertu du sacrement de mariage, …, les époux chrétiens s’aident mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, dans l’accueil et l’éducation des enfants » « La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur : elle est établie sur l’alliance des conjoints, c’est à dire sur leur consentement personnel irrévocable »

  • Le Catéchisme de l’Eglise Catholique reprend les trois ‘biens’ proposés par Augustin mais dans un ordre différent de celui retenu depuis le moyen age : « Cette grâce propre du sacrement du Mariage est destinée à perfectionner l’amour des conjoints, à fortifier leur unité indissoluble. Par cette grâce ils s’aident mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, dans l’accueil et l’éducation des enfants » (CEC 1641)

Sans renier l’enseignement d’Augustins sur les ‘biens’ et de Thomas d’Aquin sur les ‘fins’ du mariage, les auteurs modernes insistent sur les dons du mariage : le don réciproque des époux dans l’amour, le don de Dieu dans le sacrement et le don de la vie à travers les enfants.

Les dons du mariage :

Les notions de ‘don’ et de ‘personne’ – réalités de la personne dans sa singularité – sont des concepts récents en théologie du mariage et ont peu à peu remplacé les notions de loi et de fins liés à la raison et à la volonté. L’auteur propose trois dons : De la rencontre de l’homme et de la femme d’un part et de la foi qu’ils sont capables de se donner l’un à l’autre comme créatures d’autre part naît le don réciproque interpersonnel. C’est au cœur de cet acte de liberté que le Christ lui-même se rend présent et se donne définitivement (sacramentum). Dans cette plénitude de grâce et de présence mutuelle, l’enfant surgit comme un don à la mesure du don déjà fait. Nous analyserons plus en détail le don du « sacramentum » dans le chapitre suivant.

1) L’homme et la Femme : le don de soi

L’amour conjugal entre l’homme et la femme est avant tout lié à la condition naturelle des personnes humaines. C’est dans la liberté et à travers leur altérité que les époux se donnent mutuellement Mais ce don mutuel prend sa source en Dieu qui non seulement donne la vie mais donne l’un à l’autre, l’homme et la femme : « Le Seigneur Dieu transforma la côte qu’il avait prise à l’homme en femme qu’il lui amena » (Gn 2 ;22)

2) Le Sacramentum ou don de Dieu à son peuple

3) L’enfant est un don : le plus excellent

Le don de l’enfant, le don qu’est l’enfant est le couronnement de l’amour conjugal, le don le plus excellent du mariage. Par ce don, les époux coopèrent à l’amour du créateur et du sauveur qui par eux enrichit sa propre famille.

« L’éclosion d’une nouvelle vie … trouve sa pleine vérité dans le don interpersonnel que les conjoints font réciproquement d’eux-mêmes. Le nouvel être … constitue le couronnement [de l’acte de donation] : couronnement possible mais qui n’est pas dû » Si l’acte conjugal est fécond, c’est parce qu’il est un acte d’amour et de don. L’enfant n’est pas un objectif mais le fruit d’un amour personnel.

Remarque :

Quand on parle de don, on se situe – évidemment ai-je envie de dire – au niveau de l’échange symbolique et non au niveau d’un simple échange de marché . Les dons de Dieu sont gratuits, c’est-à-dire qu’ils ne sont nécessités par rien et que Dieu en a l’initiative première. La réception et le contre-don sont de l’ordre de la gracieuseté, c’est-à-dire que le croyant répond à l’amour par l’amour et la foi – sans égard pour la valeur – et non pas par calcul. On peut ainsi schématiser l’échange symbolique dans le mariage :

Le don de Dieu (1) est premier, il est déjà donné. Il s’ancre dans l’écriture et dans la personne du Christ, parole vivante, source de tout Amour et de toute vie : « Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. » (Jn 14,6) « Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous. » (Rm 5,8). Nous recevons ces dons de Dieu au présent dans le sacrement de mariage, en particulier lors de l’échange initiale de l’engagement où les fiancés se promettent librement fidélité, pour toute la vie et acceptent la responsabilité d’époux et de parents :

(Rit. rom. n. 24)

  • Vous allez vous engager l’un envers l’autre ? Est-ce librement et sans contrainte ?
  • Les fiancés : Oui.
  • Vous allez vous promettre fidélité. Est-ce pour toute votre vie ?
  • Les fiancés : Oui pour toute notre vie.
  • Dans le foyer que vous allez fonder, acceptez-vous la responsabilité d’époux et de parents ?
  • Les fiancés : Oui nous l’acceptons.

Ensuite par la réception du don interpersonnel dans la formule d’échange des consentements (R29) et la ratification par le prêtre (R31 : Rit rom. N 26). Les époux et l’assemblée prient et rendent grâce au Père pour les dons reçus (à travers l’Eucharistie et la Bénédiction Nuptiale)

Mais il n’y a pas de don comme don sans contre-don. C’est le moment « Ethique » où les époux sont appelés à vivre ce qu’ils ont reçu, c’est-à-dire vivre pleinement leur amour, s’accueillir mutuellement et accueillir la vie qui peut être fruit de leur union. Le don de Dieu qui était ‘valide’ devient ‘fécond’.

Le sacramentum

-  Introduction

C’est le Concile Vatican II qui va introduire, comme nous l’avons vu dans l’introduction, la logique du don dans le mariage : « les époux se donnent et se reçoivent mutuellement » . Le Christ s’associe à ce don des époux et Il unit leur donation au don qu’Il fait de lui-même à l’Eglise. En effet, c’est l’acte pascal du Christ qui est la forme et l’origine de tout don. Le sacrement de mariage dit ce don.

-  Bref historique des célébrations de mariage

En se limitant à la tradition judéo-chrétienne, voici quelques éléments de l’histoire du mariage

  1. Le mariage juif est laïc et familial. On rends grâce à Dieu pour le mariage. La polygamie est courante jusqu’à l’exil (VIIème siècle avant JC) La répudiation est couramment pratiquée (par l’homme !). Une tendance à l’unité (monogamie) et à la fidélité se développe peu à peu après l’exil.
  2. Les chrétiens des premiers siècles se marient ‘comme tout le monde’ devant le notaire. C’est une fête publique et familiale.
  3. C’est à partir du Vème siècle que l’Eglise est invitée aux noces. St Augustin déconseillera à ses prêtres d’aller à la fête. La liturgie du mariage apparaît dès le VIIème siècle
  4. C’est au Xème siècle que l’Eglise prend peu à peu en charge le mariage lui-même en particulier pour s’opposer aux mœurs et à la morale de l’époque. C’est le début des registres de baptême et de mariage.
  5. Le XIIIème précise la notion de sacrement
  6. Le concile de Trente (XVIème siècle) définit la forme publique du mariage sacramentel avec un prêtre et deux témoins.
  7. A partir du XVIIIème siècle le pouvoir civil va s’efforcer de récupérer le mariage avec les nombreux conflits qui s’en suivront.

-  Le Christ comme source du sacrement de mariage

En créant l’homme à son image et lui donnant la femme à qui il s’attachera et avec qui ils deviendront une seule chaire (Gn 2,24), Dieu constitue le mariage comme partie intégrante et centrale du sacrement de la création. Par le péché, le mariage « en tant que sacrement primordial, a été privé de cette efficacité surnaturelle qu’il puisait, au moment de son institution, dans le sacrement de la création globale » .

Le Christ, par son sacrifice et par son alliance sauve l’humanité en s’unissant à elle.« Le Christ à aimé l’Eglise et s’est donné lui-même pour elle » (Ep 5,25). Il se donne pour l’Epoux de l’Eglise : le don rédempteur est un don nuptial. « Le Christ en se donnant lui-même pour l’Eglise par cet acte rédempteur même, s’est uni à elle une fois pour toutes, comme l’époux à son épouse, comme le mari à sa femme, se donnant par tout ce qui contient une fois pour toutes ce ‘se donner soi-même’ pour l’Eglise » . Le sacrement de mariage devient un fruit de ce don nuptial du Christ à son Eglise.

Par ce don, qui est entièrement de l’initiative de Dieu, Le Christ renouvelle le sacrement primordial qu’est le mariage.

Le sacrement de mariage est donc relié au don du Christ sur la croix. Les époux sont donc pour l’Eglise le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Comme tous les sacrements, le mariage est un mémorial, une actualisation et une prophétie de l’événement du salut : « Mémorial, le sacrement leur donne la grâce et le devoir de faire mémoire des grandes oeuvres de Dieu et d’en témoigner auprès de leurs enfants ; actualisation, il leur donne la grâce et le devoir de mettre en oeuvre dans le présent, l’un envers l’autre et envers leurs enfants, les exigences d’un amour qui pardonne et qui rachète ; prophétie, il leur donne la grâce et le devoir de vivre et de témoigner l’espérance de la future rencontre avec le Christ »

-  Le sacrement de mariage : Une liturgie du don

La liturgie éclaire la façon dont l’Eglise voit le sacrement de mariage comme don (lex orandi, lex credendi).

  • Les éléments du rite Le rituel nous propose diverses étapes – l’accueil, la liturgie de la Parole, l’échange des consentements, la prière des époux, la liturgie eucharistique, la bénédiction nuptiale, la bénédiction finale et l’envoi – qui alternent des phases de dons et d’accueil du don : don entre les époux, entre les époux et Dieu, entre les époux et l’Eglise. En venant offrir à Dieu le don qu’ils font d’eux-mêmes, les époux reconnaissent la source de leur don et de tout don. Ils viennent se recevoir de Dieu comme un don premier de l’amour de Dieu. L’abondance des bénédictions est un signe de l’abondance du don que Dieu fait aux époux :
  • « Accorde à N*X et N*Y qui vont recevoir ce sacrement dans la foi, de réaliser par toute leur vie ce qu’il exprime » (prière de collecte, N15)
  • « Que ta grâce leur accorde de vivre ensemble longtemps dans le bonheur et la paix » (PE II)
  • « Que leur communion au corps et au sang du Christ les garde unis dans un mutuel amour … Accorde-leur … » (Bénédiction nuptiale, N45 et suivants)
  • « Que Dieu votre Père vous garde vraiment unis dans un mutuel amour, afin que la paix du Christ habite en vous et demeure toujours dans votre maison… » ( Bénédiction solennelle, RR 125)
  • L’échange des consentements

Depuis très longtemps, l’église latine considère l’échange de consentement comme l’acte clé du sacrement de mariage comme le montre cette réponse ‘ad consulta vestra’ de Nicolas 1er aux Bulgares (866) : « Il suffira selon les lois du seul consentement dont on considère l’union. Si ce seul consentement devait faire défaut lors des noces, tout le reste, même réalisé avec l’union charnelle elle-même, sera vain, comme l’atteste le grand docteur Jean Chrysostome qui dit : ‘ Ce qui fait le mariage, ce n’est pas l’union charnelle, mais le consentement’ »

« Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage. » (can 1057 §2) . Ce consentement doit être libre comme le rappelle le prêtre lors du dialogue initial (RR 24).

Il rappelle ensuite les dimensions de don mutuel de cet échange de consentement : s’engager l’un envers l’autre, se promettre fidélité et accepter la responsabilité d’époux et de parent (RR 22 et 24).

Ce sont les époux qui sont les ministres du sacrement, car il se donnent eux-mêmes, l’un à l’autre, par le Christ en son Eglise. La parole « je te reçois … et je me donne à toi … » (R N29) est une parole agissante (performative) : le don qui est dit transforme l’homme et la femme en époux au regard de Dieu, de l’Eglise et aux leurs. C’est l’Esprit Saint, à travers la ratification par le prêtre, qui vient sceller ce consentement où se conjuguent le temps présent et l’éternité.

Et ce consentement est accompagné d’un geste : « le prêtre invite les fiancés à se donner la main » (RR25) qui est le geste attaché au rituel de mariage : « C’est à travers ce rite, accompli à la fois par les deux époux et celui qui les remettait l’un à l’autre, que dès l’Antiquité, les chrétiens voyaient l’intervention du Christ dans leur union »

Geste et paroles marquent le don nuptial qui est reçu par les conjoints. Le don et son accueil sont donc indissociables. Ce don sera accomplit dans la chair par l’acte conjugal : l’homme et la femme deviennent l’un pour l’autre don et accueil du don dans leur corps.

-  Fidélité et Indissolubilité comme dons du mariage

La fidélité et l’indissolubilité du mariage sont souvent vus comme exigences morales, et à ce titre incompatibles avec l’idée que l’on se fait de la liberté de l’homme. Or la fidélité – et l’indissolubilité comme nous le verrons après – sont intrinsèquement liés au sacrement du mariage. Le mariage part de la conviction – ou devrait partir- qu’il existe une chance que cette union soit durable. Le temps n’est pas l’ennemi à combattre mais un allié qui construit et renforce : la durée est créatrice dans la confiance. L’engagement à la fidélité est promesse de rester don pour l’autre et de l’accepter comme don toute la vie. Cette donation totale personnelle est exclusive par essence et loin d’appauvrir ou d’enfermer, elle est créatrice : la fidélité est croissance dans le don.

Dans la grâce du sacrement, la fidélité est vue comme prenant sa source dans la fidélité du Christ qui va jusqu’à la mort sur la croix. Les consentements sont offerts comme offrande au Christ qui les accueille et leur donne la force de son propre engagement. Même si l’initiative relève bien de la liberté humaine, le sacrement et la promesse de fidélité sont d’abord des dons du Christ offerts aux époux. La fidélité humaine est donc de l’ordre du don, de la surabondance accordée par Dieu et confirmée par lui avant d’être une exigence morale. L’exigence est une réponse éthique au don premier de Dieu.

De même, les époux se donnent totalement, ‘jusqu’à la racine de leur existence’, donc sans terme en ce monde. Même si l’homme peut nier, briser ou refuser le don sacramentel de Dieu, « les dons et les appels de Dieu sont irrévocables » (Rm 11 ;29). Le don demeure offert quelques soient les aléas de la vie. Par ce don d’indissolubilité sacramentelle, Dieu reste engagé dans son don à chacun et à chaque couple en particulier. « Si le mariage est indissoluble, c’est parce qu’il a été remis aux mains du Christ et que celui-ci lui a donné dans l’Esprit Saint une unité en dehors de toute mesure humaine »

-  La grâce du sacrement

 » En leur état de vie et dans leur ordre, [les époux chrétiens] ont dans le peuple de Dieu leurs dons propres  » (LG 11). Cette grâce propre du sacrement du Mariage est destinée à perfectionner l’amour des conjoints, à fortifier leur unité indissoluble. Par cette grâce  » ils s’aident mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, dans l’accueil et l’éducation des enfants  » (LG 11 ; cf. LG 41). Voici quelques traits de cette grâce :

  • Chaque époux est don de Dieu et confié à l’être aimé.
  • Dieu se livre dans le sacrement en établissant une alliance entre le Christ et chacun des époux et avec le couple.
  • Les époux s’aiment de l’amour même du Christ représentent le don nuptial du Christ à son Eglise
  • Les époux sont constitué en ‘ecclesia domestica’ avec une mission propre et des dons particuliers.
  • Le Christ leur accorde sa joie et sa charité.
  • Le mariage est acte de guérison : il est remède à la concupiscence : il établit un ordre éthique dans les passions.

-  Liens avec les autres sacrements

Ce thème mériterait à lui seul un travail beaucoup plus vaste. Je me contenterai donc d’ébaucher quelques pistes de réflexion …

  1. Le Baptême Comme tous les sacrements, le mariage est précédé et basé sur la grâce baptismale. Par le baptême, l’homme et la femme sont incorporés à l’Eglise, à l’Epouse. Ils sont donc, avant tout choix d’un état de vie, déjà dans une relation sponsale avec le Christ. Ils appartiennent au Christ jusque dans leur corps. Par le sacrement de mariage, c’est le Christ lui-même qui donne les conjoints l’un à l’autre et livre à chacun le corps de l’autre comme lui-même a livré son corps. « Le mariage est la réponse à Dieu, invitant à donner une expression adulte à la vocation chrétienne reçue dans le baptême, accrue et fortifiée dans la confirmation et nourrie à la table eucharistique »
  2. L’Ordre Dans ses Discours aux Equipes Notre-Dame, Paul VI situe la vocation du mariage par rapport au sacerdoce. « C’est dire quelle est la splendeur de votre vocation, que saint Thomas rapproche justement du ministère sacerdotal : ‘Certains propagent et maintiennent la vie spirituelle par un ministère uniquement spirituel : c’est l’affaire du sacrement de l’ordre ; d’autres le font par un ministère à la fois corporel et spirituel : ce que réalise le sacrement de mariage, qui unit l’homme et la femme pour qu’ils engendrent une descendance et l’élèvent en vue du culte de Dieu’ »
  3. L’eucharistie Le concile Vatican II dans la constitution ‘Sacrosanctum Concilium’ et à sa suite le Catéchsime de l’Eglise Catholique nous rappelle cette unité entre le mariage et l’eucharistie : « Le mariage sera célébré ordinairement au cours de la messe » « …, en raison du lien de tous les sacrements avec le Mystère Pascal du Christ. Dans l’Eucharistie se réalise le mémorial de la Nouvelle Alliance, en laquelle le Christ s’est uni pour toujours à l’Église, son épouse bien-aimée pour laquelle il s’est livré. Il est donc convenable que les époux scellent leur consentement à se donner l’un à l’autre par l’offrande de leurs propres vies, en l’unissant à l’offrande du Christ pour son Église, rendue présente dans le sacrifice eucharistique, et en recevant l’Eucharistie, afin que, communiant au même Corps et au même Sang du Christ, ils  » ne forment qu’un corps  » dans le Christ »

« En célébrant l’eucharistie, les époux célèbrent ce que radicalement ils sont appelés à vivre. Eucharistie et mariage sont tous les deux sacrements de l’Alliance, c’est à dire de l’amour jusqu’au bout. » Comme église domestique, la famille grandit et se construit à partir de l’eucharistie (‘L’eucharistie fait l’Eglise’) : L’eucharistie fait signe de l’alliance du Christ et de leur alliance, elle est rappel du don total de la croix comme du don total des époux, elle est envoi en mission, elle donne corps à la famille dans le Corps du Christ, elle est action de grâce au Seigneur et elle est chemin de pardon et de régénération par le don infini de Dieu.

Conclusion

Le sacrement de mariage est généralement vu comme un rite de passage où une célébration de nature sociale. La littérature elle-même à surtout étudié les aspects éthiques et légaux (canoniques) du sacrement en laissant de coté ou en négligeant sa théologie. Si le mariage est au couple ce que le baptême est à l’individu, si le mariage est vraiment ‘une expression adulte à la vocation chrétienne’, il serait peut-être temps de proposer une catéchèse et une mystagogie en adéquation avec la richesse théologale de ce sacrement.

Sans négliger le coté éthique qui est de l’ordre du contre-don, la découverte du sens du sacrement comme réponse au Don premier de l’amour pourrait ouvrir des portes au vécu chrétien du mariage et de la vie en famille comme église domestique.

La proposition de ce travail est de présenter le mariage comme réception de trois dons : le don mutuel des époux comme don de soi, le don du ‘sacramentum’ comme don de Dieu et l’enfant comme don le plus excellent. La liturgie du mariage développe cette idée du don qui prends sa source dans le Christ et trouve son sommet dans l’échange des consentements. C’est de ce don mutuel entre la femme et l’homme et les époux et le Christ que découlent les concepts de fidélité et d’indissolubilité comme conséquences du don premier de Dieu et non comme exigences morales.

Il serait également intéressant de développer et de présenter aux époux le lien étroit qu’il existe entre le sacrement de mariage et l’eucharistie qui est le soleil qui éclaire – qui devrait éclairer – le cheminement des époux chrétiens.

HM 2005

Bibliographie.

1. Alain Mattheeuws, « Les ‘dons’ du mariage. Recherche de théologie morale et sacramentelle », Culture et Vérités, Bruxelles, 1996

2. Heinrich Denzinger (DS), « Symboles et définitions de la foi catholique », Editions du Cerf, 1996

3. André Minet, « Bonne Nouvelle du Mariage. Le message de la Bible », Article

4. « Concile Œcuménique Vatican II, Constitutions, Décrets, Déclarations », Editions du Centurion, 1967

5. « Catéchisme de l’Eglise Catholique » (CEC), Mame-Librairie éditrice vaticane,

6. Louis-Marie Chauvet, « Les sacrements. Parole de Dieu au risque du corps », Collection Vivre, Croire, Célébrer, Les éditions de l’atelier, 1997

7. Saint Augustin, Œuvres complètes, http://www.abbaye-saint-benoit.ch/s…, Abbaye St Benoit de Port Valais, Le Bouveret, Suisse.

8. « Code de droit canonique », 1983, http://www.vatican.va/archive/FRA0037/ , en particulier le titre VII : Le mariage (can 1055 – 1165)