Il était là …

Dans un train , un jeune handicapé mental, assis sur un strapontin près de la porte, accueille chaque nouveau voyageur par un « bonjour ». Sans cesse, il regarde sa montre.

Au bout d’une heure, il entre dans le compartiment, s’assied à la première place libre et interroge sa voisine d’en face :

-  Quelle heure est-il ?

Peu de temps après, même question, et encore… Agacée, la dame lui répond sèchement et lève, tel un bouclier, son journal devant son visage. Murmures des autres, rejet de ce gêneur pas comme les autres. Le jeune se lève, repart silencieux et triste sur son strapontin.

Un voyageur le rejoint et parle avec lui. Sa montre toute neuve s’est arrêtée, impossible de la faire repartir, et il doit changer de train.

Une jeune fille saisissant des bribes de cette conversation, vient gentiment avec une fiche d’horaire. Dommage, elle descend avant lui. Arrêt suivant. Un homme avec des menottes monte, encadré par une femme policier et un policier. Un dialogue s’instaure :

-  Pourriez-vous aider ce jeune à descendre à sa gare. Sa montre ne marche pas et il va faire nuit.

-  Nous avons assez de « celui-la » à surveiller, répond d’une manière incisive la femme policier.

Le policier, conciliant, suggère d’appeler le contrôleur.

« Celui-là » l’homme aux menottes, écoute, silencieux. Silence du jeune handicapé, silence de l’homme aux menottes. Limites en sa tête de l’un, limites humaines de l’autre, rejet de tous deux par la société.

L’homme aux menottes pose son regard sur le jeune, regard compatissant puis regarde droit dans les yeux, la personne qui s’inquiète et lui sourit. Son visage alors terne est lumineux.

« Celui-là » avait les mains enchaînées, mais son cœur libre, il accueillit la détresse de son frère handicapé.

« Celui-là » n’avait pas droit à la parole, mais sans parole, a parlé.

« Celui-là, par son regard, a révélé à son frère, la présence de Dieu en son cœur.

« Celui-là », par son sourire, a lavé le mépris, l’égoïsme de ses frères au casier judiciaire vierge.

« Celui-là » cet homme reflet d’un autre..